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Mouvement tournant

Dans quelques jours, c’est les vacances, et quelles vacances ! O qu’elles seront de courte durée.
Je n’aurai pas le temps de faire ce que je voudrais mais bon, il faudra me faire une raison.
C’est la vie militaire qui commence : grandeur et servitude ! Cinq ans pour commencer et puis on verra.
J’ai de la chance. Aucune attache sérieuse, pas trop d’amis, et ça fait du bien de partir.
Je vais retrouver Toulon, le lieu du pire de ma jeunesse, de certains moments merveilleux, et je l’espère du meilleur de ma vie militaire pour commencer.
C’est bizarre comme certains endroits sont marqués d’une « fatalité » pour certaines personnes et pas pour d’autres.
Pour la « bien heureuse », que j’ai apparemment rendue malheureuse, il est évident que le Finistère sera un haut lieu de déceptions.
J’espère surtout qu’elle va y faire ses armes et ne pas sombrer dans l’amour de l’amour perdu qui n’est pas de l’amour, mais de la sensiblerie.
Je sais de quoi je parle.
J’ai la larme à l’œil, le pleur à la plume. Où est-elle, celle que je cherche, hein, où se cache-t-elle ?
Quand je tombais amoureux avant, c’était, de l’affection qu’on m’apportait ; puis, de qui me l’apportait.
Enfin, j’aimais l’idée de faire l’amour avec quelqu’un dont je n’avais nulle envie physique, quelle qu’elle soit d’ailleurs, sans que je m’en aperçoive réellement.
Maintenant, je me retrouve dans la position enviée et pourtant tout aussi peu enviable, pour tout dire détestable, de « l’être aimé »qui n’aime pas de retour.
Cet être là doit se méfier de plusieurs choses. D’abord, être sûr de ne pas se tromper, et çà c’est certain ; ensuite, il doit être sûr de ne pas tomber amoureux de l’affection qu’on lui porte.
A force, ceci peut devenir le piège pour un faible. Et je me crois capable d’être faible par moments. Puis, cet être-là est tiraillé entre sa propre liberté et celle d’aimer de l’être amoureux : « l’être aimant ».
D’un côté, il ne veut pas lui faire trop de mal, car il le sait pour l’avoir vécu : cela ne se passera pas sans mal de toute manière.
D’un autre côté, il est tellement peu aisé pour lui d’être diplomate dans une affaire dans laquelle il n’a rien à voir, même si il est con, cerné.
Il ne veut pas provoquer plus de dégâts encore qu’il n’en a causés. Ce qui le rendrait plus malheureux, qu’il ne l’est déjà.
Malgré tout ce qu’il dit, cette histoire le touche et c’est aussi pour cela qu’il veut couper court à tout bourgeonnement intempestif de passion à sens unique.
Ce n’est pourtant pas compliqué. Il n’aime pas. De plus, on lui impose et de ça, il a horreur. Sa liberté, c’est la seule chose à laquelle il tient, désormais.
Brûlé à blanc et à sang, il est devenu incendiaire : « Gabriel le pyromane ». Il met le feu partout : chez les filles et leur mère, leur père et les autres, tous ceux qui ne comprennent pas ce qui arrive.
Pas plus moi, qu’eux, ne trouverons d’explication à ce mystère qui n’est qu’un pétard mouillé.
Alors quoi ? On baisse les bras ? Il veut rendre à tous, la monnaie de la pièce d’une seule personne.
Ça a commencé et ce n’est pas encore fini. Qui peut aimer un brûlé profond pareil ?
A part des folles, des filles ou des femmes, des « embourgeoiseuses » potentiellement « embourgeoisables ».
Ça a l’air du bonheur, mais loin d’en avoir la chanson. Je sais que tu as compris tout ça. Maintenant, écoute-moi te dire adieu, fillette romantique.
Je ne mérite pas d’amour si sincère, apparemment. Alors, je me casse pour ne pas empiéter sur la liberté des autres et conserver la mienne. Et puis ton corps ne m’attire pas.
Ce n’est que la sentimentalité qui donne un peu de profondeur à un flirt.
Hier encore, j’ai flirté. J’ai dévié vite fait. Encore une fille aux dents longues. J’aime pas ça !
Gosses , enfantes, marre des filles. Vive les femmes pièges à cons.
En été, il fait très chaud, là d’où je venais. Après, j’ai rarement eu l’occase de ressentir la vraie chaleur dans la Bretagne que j’aime.
Bientôt, cela va changer. Je reviens en plein été à Toulon, ville du Faron, où mon père batifolait outrageusement avec celle qui est aujourd’hui sa deuxième femme.
C’est cette scène onirique, plutôt cauchemardesque, mon père riant derrière le Faron, qui m’a marqué pour le reste de ma vie.
Je me souviens aussi des rouleaux d’une Méditerranée qui n’a pas de marée, une mer en état de décomposition
où toutes les communautés déversent en cœur résidus et excréments mélangés avant d’aller nager dans cet enfer microbien,
comme je vais le faire pour me plier à cette coutume pas désagréable en soi.
En effet quoi de plus agréable que de piquer une tête, alors qu’il fait trop chaud au dehors pour penser faire autre chose.
Ici bas, la terre est trop basse ! Vraiment, il faut songer à s’allonger pour sentir le sol proche de soi, sinon on tombe de haut.
Aujourd’hui, 13H30 et dans quelques heures, je vais quitter Brest pour un bout de temps.
Le mieux, c’est que je ne regrette rien, enfin pas grand-chose, sinon quelqu’un, quelqu’une qui ressemblait tant à l’amour…peut-être…peut-être pas.
« J’aimais »…de Jacques Brel…« Tu vois, je vous perdais déjà…, je vous oublie déjà ».
Demain est parisien, comme toute la semaine à venir et après…c’est l’Amérique, à commencer par « Chicago » et
la manière de Sardou : « Ma chère maman, je pars, je t’aime mais je pars, tu n’auras plus d’enfant, ce soir..., je pars ».
Et d’ajouter un couplet pour Elle. « Ma chère Marie, je pars, que je t’aime mais je pars, …, je pars. »

JPABT