307453_171450732937445_100002175571161_364273_1510301183_n.jpg

Eclatante fut cette journée. Le soleil brillait bizarre et c'était pleine lune, alors...
Il a bien fallu que je continue à écrire, que je continue à vivre, au moins jusqu'au prochain soleil.
Parce qu'aussi curieux que ça puisse paraître, j'aimais le soleil,
comme on aime ce qui vous fait mal, avec crainte et un plaisir subtil.
C'était comme jouer avec cette amie de tous les instants.
Celle qui attend; qui attend et qui a toujours celui qu'elle attend.
Il me fallait rire de l'éclat de toutes mes dents, à chaque plaisanterie
pour arriver à me faire accepter de ce groupe de gens avec qui je n'avais
aucun point commun, ni d'autre intérêt qu'un certain appétit.
Elles avaient beau n'avoir rien dans la tête, ce n'était pas autre chose
que leur corps qui m'intéressait.
Et pourtant, elles avaient un goût tout autre quand se mêlait
plus que l'intelligence en elle-même.
C'est l'existence des sentiments qui me donnait ce que je recherchais
le plus avidement. Fallait-il laisser tomber là, ma propension naturelle à aimer
pour simplement ne penser qu'à baiser. Ne pas vivre ce qui piège tout le monde,
et ainsi me rassasier plutôt que de crever après une solitude physique
et mentale qui est la réalité de mon amour.
Quand elles avaient ce goût de mort, leurs vies seraient plus longues que celles des autres.
Je les savourais, atteignant la limite de non retour sans passer à gauche.
Cela pouvait être interminable. Mais jamais, je ne pouvais les faire pareilles à moi.
D'ailleurs, pour rien au monde je ne leur souhaitais cet enfer.
C'est pour cela, qu'un jour ou l'autre, quand je sentais proche la pente du déclin, je mettais fin à tout:
à elles, à moi sous cette forme.
Je redevenais un loup en chasse, je n'étais rien d'autre que sauvage.
Fini l'amour et sa prison dorée, son goût spécial.
Je replongeais dans la sueur et les frottements sans lendemains
puisque celles à qui je me frottais ne les voyaient pas , ces lendemains.
Souvent belles, parfois pas du tout, elles avaient en commun, l'odeur des femmes.
Cela sentait bizarre. C'était enivrant.
Qu'elles soient jeunes ou vieilles, pas une n'en réchappait.
Je n'avais pas de pitié, ce serait ma perte et puis ça serait la leur d'une certaine façon.
Elles mourraient heureuses. Jamais je ne m'offrais si elles n'étaient pas amoureuses.
Cela, je le sentais, comme je sentais la peur.
Mes oreilles se dressaient, je découvrais légèrement les dents, mais discrètement.
C'était un réflexe.
Pourquoi mes yeux bleus étaient-ils noirs? Pourquoi la lune me fait tant de mal
au coeur et parfois tant de bien. Si mal que ça me fait hurler à la mort.
Peu importe mon aspect, mon camouflage. Aucune, même celles qui s'en sont sorties,
ne pouvait se targuer d'avoir découvert quelque chose de probant me révélant,
tel que j'étais à leurs yeux. Mais aucune encore n'a mérité de s'en sortir,
malgré le semblant de bonheur ou de plaisir que j'ai pu leur laisser voir.
Aucune n'était une "pauvre fille" comme on dit.
En fait, je me faisais volontiers les dents sur ce genre de filles
qui mènent les mecs par le bout du nez et les assassinent de sang froid
en les cocufiant ouvertement.
Petite vengeance de ce que j'avais d'humain en moi, qui était masculin pour ne
rien gâter. Mais les femmes, elles, sur le nombre, étaient rares.
De véritables femelles, avec un caractère en béton, qui aimaient passionnément,
il m'est arrivé de regretter d'avoir mis fin à leurs jours, car certaines valaient
une vie d'homme, entière. Mais je ne voulais pas les voir vieillir.
Alors, après plus de dix ans d'union, parfois trente à dissimuler l'évidence,
il me fallait aider la nature. Elles auraient souffert de cette éternité,
ce cadeau empoisonné, s'apparentant au supplice de Tantale
sans l'acuité qui lui est donnée dans la légende, mais qui au bout du compte
menait ce que je suis à détester de ne pouvoir ni vieillir, ni mourir.
J'avais un but à accomplir que je ne savais pas. Si j'avais été muni de ces qualités,
que je finissais par prendre pour des tares; il s'agissait là,
je m'en rendais de plus en plus à la raison, de plus en plus fort,
plus haut ou plus bas selon où l'on situe l'enfer ou le ciel.
Mais l'enfer, c'était les autres, pour moi et partout, haut ou bas,
dedans ou dehors, avec ou sans toit.
Je ne sais pas quel est ce bien qui me ronge intérieurement.
Je n'en ai que rarement conscience et ne cherche jamais à
savoir pas plus qu'à changer l'ordre des choses. Réfléchis!
Ce n'est pas le bien qui te ronge, mais ton ver et ce ver est solitaire.
Pas toi. Alors pour y mettre fin, donne à ton ver des compagnons de décomposition.
Encore serait-il capable de se comporter comme toi et ferait-il le vide autour de lui en ton
sein? Chien fidèle, gardien de tes restes.
Mais même en cendres, tu ferais toujours ton oeuvre de malheur et jamais,
à jamais tu ne cesserais de t'en renaître, pour perpétuer cette tâche infiniment longue
qui fait de la mort, une illusion, une souffrance bien douce au regard de la vie.
Heureux, ceux que la mort cueille en leur temps.
Et j'essayais pour ma part de donner ce bonheur à quelques unes.
Sans pouvoir mettre fin à mes propres conflits internes,
à ces souffrances surmontées par la force des choses et qui,
il y a bien trop longtemps m'auraient fait connaître le goût de l'oubli.
Mais pour moi comme pour d'autres, il était trop tard.

JPABT