faim du monde
La voie du Bouddha

La ville est humide. Il a plu toute la nuit, des trombes d'eau et moi dessous, je bravais l'orage.
L'odeur d'azote, après les décharges, remontaient des éclats dans les yeux d'opale vifs et glauques de la bête.
Je suis couvert de sueur et de crasse.
Mes loques puent horriblement et tous les deux nous venons de nous aimer dans les détritus sur un matelas de poubelles entre deux colonnes de vapeur sulfurée.
Je n'y ai pas pensé avant.
Elle m'est apparue au tournant d'un block, belle dans sa pourriture, bouffée de parasites et de saleté,
je lui ai pris la main car elle m'avait pris les yeux dans les siens et nous avons couru longtemps pour échapper à la surveillance des sentinelles-robots
qui prospectent interminablement les espaces les plus étroits entre chaque block.
Elle s'appelait Alishaa, d'origine hindoue mais sainte du vert de ses yeux, suivait la voie de Bouddha.
Cette nuit-là, elle a partagé son corps avec le mien pour me réchauffer. J'avais froid, elle m'a couvert de ses cheveux.
J'avais faim, elle m'a donné le sein; son enfant venait de lui être sacrifié, prêtresse, elle ne pouvait enfanter pendant son épreuve.
Une petite fille a le coeur froid et je bois le lait maternel qui lui était destiné.
La pluie battait mon dos, ma poitrine et mes reins, pendant que je la besognais.
Une belle plante des ruisseaux avait rampé jusqu'à ce quartier huppé, se contentant de peu, très discrète,
elle faisait les poubelles puis, fière de son butin, elle donnait congé aux pauvres diables n'ayant pas de quoi manger.
Reine de sa cour des miracles, je ne pouvais que succomber dans un cageot de légumes avariés.

JPABT