je nage en secret

Je nage parce que je ne sais pas comment faire pour crier.
Je nage mais je reste muet, comme un crabe au fond du panier.
Je nage dans cette mer sereine,
En brasse coulée ou à l’indienne.
Je suis un fils de l’eau, jouisseur de cet honneur insigne,
Car c’est la seule caresse dont je me sente digne.

Je nage comme j’irais à la dune,
Au lieu d’hurler à la lune.
Je nage pour expier mes pêchers
De chair. Je nage ; croyant me purifier !
Me purifier de quoi, dans cette urine fétide ?
Où parfois je baigne, quand me ronge mon acide.

Je nage contre ce corps que je ne connais pas,
Mélangeant mes nageoires à ses doigts.
Je nage à contre courant de Panurge pour éviter la tonte !
Je nage au plus profond pour la noyer, ma honte !
Je nage à contre courant du plaisir, pour éviter la brûlure
J’y mets des mots jolis mais c’est de la luxure.

Je nage et je longe tes côtes pour plonger dans tes bras,
De mes crocs, je t’empêche d’ôter ce qui retient tes bas.
Je nage autour de tes seins pour y perdre mes mains,
Mes griffes t’incitent à écraser tes reins contre les miens.
Je nage au large de tes hanches en quête d’une ombre île,
Ou d’un abri côtier où cacher notre idylle.
Je nage dans un courant sanguin pour y chercher fortune,
Je nage dans un courant boueux croyant toucher la lune,
Je nage entre les digues de soi qui habillent tes cuisses,
Contenant mes ardeurs et m’offrant tes délices.

Je nage entre deux eaux,
Entre le laid et le beau,
La confiance et la trahison,
Le manque et l’abstinence.
M’accrochant aux bords de ma conscience,
Je m’enfonce pourtant au creux de tes reins, jusqu'à la déraison.
Le pas dans le sien, je suis coupable de ce que mon père m’inspire.
Par désir, je viole ma nature pour que ma cage s’ouvre et qu’enfin je respire.

JPABT