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Aimer c’est…

Aimer c’est prendre le temps d’écouter.
Aimer c’est apprendre à attendre.
Aimer c’est oser tout prendre,
Quand l’autre baisse sa garde, puis se donner.

Aimer c’est quand le feu de la passion fini,
Le quotidien s’installe en ennemi ;
Quand l’autre a vieilli, s’est endurci.
Que le temps passe trop vite,
La peur qu’un autre l’invite,
A bousiller ma vie et balayer en un instant,
Ce que j’ai mis tant d’années à bâtir ainsi.

J’étais son roi, la jalousie me croque, je deviens fou !
Mon empire, mes murs s’écroulent et pourtant,
Même si vraiment je perdais tout,
Au fond croire en l’autre ; au doute préférer le bénéfice
Des années passées à croire qu’aimer pour toujours
Est encore possible, qu’importe le poison du calice,
Le boire jusqu’à la lie, même si la vie n’est que mensonges,
Que se taisent les conseilleurs, ne pas donner foi à tous ces bruits
Seul, du haut de ma tour, rêver du meilleur d’autres jours
Flairer au loin les parfums de l’amour, même si le ver est dans le fruit.
Croire aux coups, du destin, de cœur sous le joug d’un ange
Qui n’est qu’un démon qui se roule dans la fange
De mon esprit tortueux, torturé par la véracité des songes

C’est quand l’enfant paraît que le doute disparaît
Mais quand il aura grandi, ce que je croirai acquis
M’explosera dans les mains et si je n’y suis pas préparé
Le déni, le rejet de ce petit être choyé, une fois grandi
Me démolira plus sûrement que la trahison
D’une quelconque poupée qui dit oui, qui dit non.

Aimer c’est quand j’irai jusqu'à bout
Pour garder la dignité de l’être aimé
Quand la maladie le cloue
A petit feu, dans une boîte de sapin plaqué.
Aimer c’est lui dire que ça ira mieux demain
Parce que c’est ce que je souhaiterai en lui prenant la main.

Aimer c’est me taire quand on m’accable
Suis-je victime ? On me croit coupable
Se défendre ou laisser dire
Suffit-il pour se faire maudire

Aimer c’est faire des promesses
Que j’espère tenir un jour
Si la vie et ses tracas me laissent
Aller au bout de mon tour.

Mais l’amour n’est pas un jeu
Certains ne s’en font pas pour si peu
D’en manquer, d’autres meurent à petit feu,
Iraient jusqu’à trahir, intriguer, finir vicieux.

Aimer c’est manquer d’air et respirer
Sans qu’aucun souffle ne puisse rentrer
Que celui de l’amer sur le pont d’un navire
Un cuirassé usé, emportant le fantôme d’un père
Qui pourtant ne l’est pas, quand le manque est tu,
Il tue ; remonte en larme de fond et déchire les viscères
Le mal de père ne fait pas vomir, on garde tout, c’est pire.

Aimer c’est me rouler par terre, cueilli par l’impromptu
Malaise qui me colle au tapis, le Hollandais volant
Fredonnant la berceuse d’un moulin à vent,
Rapporté d’une escale à son fils par un marin désappointé,
Maintes fois repassée en guise de paternité.

Aimer c’est quand on m’ouvre le ventre, souffrir en silence
Car un nourrisson ne ressent pas la souffrance,
Assène la science, aimer c’est dire merci
Toute mon existence car on m’a sauvé la vie.
Sans même connaître l’art du haïku,
Survivre grâce à celui du seppuku.

Aimer c’est boire ce lait sans le sein fait pour ma bouche
Manquer de cette main qui me touche
Derrière le plexiglas de la couveuse
Ne sachant pas si demain, me reverra.
Malgré les tentatives de la faucheuse
Aimer c’est conjuguer vivre au futur
Oublier du scalpel la morsure
Cette cicatrice qui avec moi grandira

Aimer c’est courir comme si c’était la dernière fois
Traverser toutes ces rues, passer la Note Bleue
Avec en tête le son du sanglot, la caresse de cette voix
Qui m’accélère, respirer à me brûler, sentir pousser des ailes
A mes chevilles qui me jettent à bout de souffle, à sa bouche
Où je trouve l’oxygène dans les bras de la belle
Finir ma course follement, les larmes aux yeux
De pluie et de froid, caressé par le balai de ses cheveux
Si près que nos yeux louchent puis se touchent
Les pieds sur terre, la tête en feu.

Aimer c’est lui écrire pour le lui dire
Etre le papier et l’encre qui lui brûlent tête et mains
Qu’il peut-être magnifique de souffrir
Surtout quand par malheur, c’est en vain.
Quand la peau refusée de ce fruit si convoité
Cette pèche invitant au pécher
Ne sera plus douce mais fripée
Quand elle sera seule et glacée
Lui restera cette encre, ce papier
Souvenir d’un prétendant, pour un autodafé
Qui durera le temps d’un feu de paille
Etranger au brasier couvant dans les entrailles
De ces textes, si se souvenant de feu sa jeunesse
Elle s’y replongeait avec délectation et joliesse
Si touchée qu’elle inspirât tant de grâce
Ferait-elle fondre la gangue enserrant son cœur de glace

Aimer c’est se souvenir du mieux que je peux
De ce frère méconnu, qui écrivait si bien
Comme si de la fraternité, écrire était le lien
Epitaphe tardive, il me fallait le connaître mieux.

Aimer c’est enfin être indulgent pour père et mère
Apprenant qu’il est difficile d’être adultes et parents
Comprendre que la vie est souvent triste et amère
Plus souvent décevante, qu’excitante n’en déplaise aux enfants
Qui verront de frustrations en frustrations, à leur tour
Que la vie n’est pas faite que d’amour,
Le plus souvent d’heures, de jours et d’attentes.

Aimer c’est apprendre que même si on n’aura jamais fini de grandir
Que ce soit son heure ou pas, un jour ou l’autre il faut partir.
Aimer c’est raconter sa vie, pas les petits faits, les actes héroïques
Pour qu’un cerveau d’enfant cultive son univers fantastique
Faisant d’un grand-père cher et aimé son héros éternel
Rêvant qu’en son Valhalla, la vie soit douce et belle.

Aimer c’est, quand le crépuscule point
Chercher à pourvoir aux besoins des miens
Leur faire comprendre que contre toute attente
La fin qui nous fait peur, n’est pas qu’une fin
Que des idées peuvent survivre aux défunts
Que l’amour, même en pure perte, que l’on a donné
N’est pas perdu, et que les bienfaits sont remerciés
Par la satisfaction personnelle d’avoir bien agi
Que cela suffit pour être heureux d’avoir vécu sa vie.

Mais quand l’heure est venue de la fin des tourments
Devant l’état de manque évident
Malgré tous les subterfuges, les pis-aller, les croyances
Les souvenirs remontés du grand âge jusqu’à l’enfance
La revue des rires et des pleurs
Petits et grands malheurs et l’idée du bonheur
Il me reste toujours l’ultime errance.
Une grande page que j’ai peur de laisser en souffrance
Après avoir versé toute mon encre et mon sang :

Aimer c’est quand ?

JPABT