Combattant bocal

Un petit poisson bleu

Au-delà de l’amer
Par delà les rivières
Il y avait naguère
Tout proche des rizières

Un petit poisson bleu
Qui n’avait que ses yeux
Et son âme pour aimer
Et sa queue pour le prouver

Tous les jours il mangeait des petits vers
Sans rime mais qui avaient su lui plaire
Et de sa vie faire sans bruit, un paradis
Il remuait la queue pour dire merci

Chaque fois qu’il la retrouvait
Elle lui donnait de quoi manger
Cette ondine dans la rivière
Qui faisait de si beaux vers

Qu’il allait remercier
Comme il pouvait
Agitant sa queue de fine toile
Comme une danse des sept voiles

Ainsi il rafraîchissait son eau
Pour ne pas qu’elle ait trop chaud
Retardant l’effet du temps
Qu’elle reste avec lui longtemps

Mais la sécheresse du Mékong
De son bonheur sonna le gong
L’eau se mit à baisser
Révélant son ondine cachée

La proie que le crocodile avait laissée
Il vint rapidement la récupérer
Et s’en fut ailleurs la consommer
Le laissant, comme elle, décomposé

Fini de savourer ses vers
Le poisson manqua d’air
Ses poumons qui le brûlaient
La faim d’elle le tenaillait

Sa vie devenait un enfer
L’ondine avait de si beaux vers
Qu’il ne pourrait jamais trouver
Des qui pourraient l’égaler

Il ne battait plus de sa queue
Comme il battrait des ailes
Sa joie, l’eau de ses yeux
Etaient parties avec elle

La nuit, il rêvait qu’il s’envolait
Pour aller la retrouver
Mais au fond de sa boue il ignorait
Qu’elle était digérée

Que l’ondine et la terre
Ne faisaient plus qu’une désormais
Que la vie est un enfer
Qu’il faut profiter tant qu’on vit, d’aimer

Que rien n’est fait pour durer
Excepté le souvenir des moments passés
Comme un signe d’espérer
Que tout peut recommencer

Qu’après la sécheresse vient la mousson
Que la douleur d’un cœur
N’est pas qu’une information
Mais le ferment du bonheur à son heure

Le petit combattant
Flotte dans un bocal maintenant
Sait-il que je fais des vers ?
Agite t’il son panache bleu pour me plaire ?


JPABT