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Fils d’Ariane

Des heures de pluie et d'attente
Des pas sans traces que la rosée trempe
Ce secret espoir, le doigt sur la détente
Quand il faudra tirer, qu'il n'ait pas de crampe

Avancer sans cesse, ignorer la fatigue
Avec l'espoir au bout, de poser mon fardeau
En permission, on se gavera de figues
Plutôt que de prendre un pruneau.

Ramper sous les barbelés
Sans me faire écharper
Traverser une pluie de balles
Sans qu’elle me soit fatale

Marcher interminablement sur ce chemin
Fermer les yeux et te tenir la main
Se souvenir de ma promesse de revenir vite
Tout faire pour que la mort m'évite

Rêver de rentrer et de te serrer
Contre moi, sentir battre ton cœur
Mais dans la boue et noyé de sueur
Saisi de froid, j'entends les balles siffler

Colle moi des baisers comme des rustines
Pour m'empêcher de crever
Que mon souffle lentement se débine
Quand ma peau, de trous rouges sera percée

Alors que mes points noirs
Ne l'ont pas encore quittée
La vie, eau précieuse donne moi espoir
En arrêtant de me plaquer.

Entre quatre planches
La sombre dame me tire par la manche
Me promettant des ailes du plus beau des blancs
En me surinant sournoisement le flanc

Je me méfie des agences de voyage
Qui vous promettent le paradis
Et je crois qu'il est plus sage
Au lieu d'un aller simple, de rester ici

Ce n'est pas qu'elle y soit belle, ma vie
Mais c'est moi qui décide de quoi en faire
Même si, parti comme c'est parti
Ça tend bien d'être un enfer, cette guerre.

Des tranchées aux saignées,
Les veines dans la forêt
Nous insufflent notre air
Est-ce pour cela que se sont battus nos pères ?

Un éternel recommencement
Les sillons creusés depuis tout ce temps
Doivent-ils toujours s’emplir du sang
De leurs fils devenus grands ?

Pantins désarticulés
Dont les corps moribonds
Jonchent le sol, fauchés
Dans cette funeste moisson

Leurs fils vitaux coupés
Par la mitraille ou le canon
Reliefs du combat inanimés
La harpe de leur vie n’a plus de son.

JPABT